jeudi 14 juin 2012

DMZ, c'est fini

Boom, ça y est, la nouvelle est tombée: DMZ, c'est fini. Après 7 ans de bons et loyaux services, 72 numéros (les comics américains sont diffusés mensuellement sous forme de fascicules d'une dizaine de pages) et 12 TPB (Trade Paperback, ensemble relié d'une demi-douzaine de numéros), l'un des titres phares de la maison Vertigo (Hellblazer, 100 bullets, Transmetropolitan, Y the last man,...) se termine. Recueillement dans la galaxie comics. Immense gratitude pour ma part (je viens de terminer le 12e volume : émotion).

 
DMZ en quelques mots, c'est une BD de politique-fiction contemporaine qui imagine le déclenchement d'une 2nd guerre de sécession dans une Amérique post-9/11. L'action  se déroule dans la ville de New-York devenue une zone tampon entre les deux parties en présence (l'armée américaine et la FSA, Free State Army des sécessionnistes) : C'est la fameuse DMZ (demilitarized zone - zone démilitarisée). On y suit les pérégrinations de Matty Roth, d'abord "simple" cameraman qui deviendra par la suite journaliste de guerre puis d'investigation puis bien d'autres choses encore...
 
  
DMZ est un monument, une œuvre qui marquera à mon humble avis (qui vaut ce qu'il vaut) les comics et la BD en général dans leur capacité à aller loin, très loin dans la réflexion, comme le firent en leur temps des titres comme (liste non exhaustive et certainement très subjective) Maus (de Art Spiegelman), Sandman (de Neil Gaiman) ou Watchmen (de Alan Moore). On pourrait parler des scénarios impeccables de Brian Wood (également auteur d'autres superbes séries comme Northlanders), s'extasier devant les planches de Riccardo Burchielli ou trouver les couv' de JP Leon proprement hallucinantes (voir les vignettes qui accompagnent ce post et qui ont clairement titillé mon réflexe reptilien d'acheteur de BD compulsif) et ce serait déjà pas mal. Mais DMZ est tellement plus que ça.

   
Pourquoi il faut lire DMZ ?

Primo, parce que ça nous parle de la Guerre avec un grand G, celle qu'on a oubliée (pour les plus vieux) ou qu'on a jamais connue (pour les plus jeunes). Pour nous impliquer, l'auteur use d'une recette simple : Transposer la réalité des conflits modernes d'aujourd'hui, si éloignés (et donc quelque part irréels), dans un contexte beaucoup plus familier, celui d'une grande cité occidentale (New-York en l’occurrence mais ça aurait tout aussi bien pu être Paris). Bon calcul car bien que tout ceci soit de la fiction, c'est méchamment crédible son histoire... Victimes collatérales, opportunistes de tous poils, manipulateurs de tous bords, tout y est... et surtout la cohorte inévitable des mecs que la peur omniprésente, la faim et le ressentiment rendent fous. Avec DMZ, on y est, on le sent. Sans outrance ni fausse pudeur. Une peinture réaliste donc qui a le don de nous remettre (salutairement ?) les idées en place.

Secondo, parce que c'est furieusement lucide et intelligent. La réflexion va particulièrement loin lorsqu'on aborde des thèmes comme le pouvoir, les médias et l'info (grosse réflexion sur le journalisme et sa forme politiquement très engagée à l'américaine) mais c'est surtout au niveau géopolitique que ça frappe fort. Ne vous y trompez pas : DMZ est un bon gros pamphlet qui tâche contre la culture ultra-libérale américaine (l'indétrônable droit de porter une arme par exemple), la prétendue suprématie des EU dans le monde et bien sûr la politique de Bush (ou à quel point ce foutu 9/11 d'il y a 10 ans a radicalement changé le monde). C'est violent mais la critique est fine et argumentée, constamment émaillée de références pertinentes à l'actualité (les effets de la Crise, les contrats de reconstruction pas clairs en Irak, l'usage des unités combattantes privées, etc.). Avec DMZ, on dépasse de loin le stade de la simple fiction pour prendre à bras le corps des questions sociétales, voire philosophiques.

Tertio, parce qu'enfin, c'est fondamentalement humain. DMZ, c'est d'abord des personnages complexes et attachants qui évoluent tous au cours des 12 volumes. C'est des histoires d'amour, d'amitié, de haine, de trahison, de dilemmes douloureux, de fierté mal placée, de principes malmenés, de vérités pas toutes bonnes à dire et de grosses erreurs funestes et irréparables. On s'attachera bien évidemment principalement au personnage de Matty mais il n'est pas tout seul. Je vous laisse découvrir ses compagnons Wilson, Zee, Eames, etc. qui ont souvent le droit à leurs propres épisodes...
  
  
Bref, il faut lire DMZ, une série qui prouve encore une fois que la BD n'est pas que du divertissement. D'ailleurs, pour info, la série existe en français et elle en est à son tome 10 (tome 9 dans la VO, un des TPB ayant été scindé en 2 dans la VF). A bon entendeur...

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